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Vers un marketing écoresponsable

 

Click & Mortar s’intéresse au numérique durable depuis longtemps. Récemment, notre implication s’est intensifiée avec la création d’un comité interne dédié à l’étude de ces questions ainsi qu’un projet de recherche de 400 heures mené en collaboration avec HEC Montréal. Dans les mois et les années à venir, cette implication ne fera que croître, en même temps, nous l’espérons, que l’attention à l’échelle nationale et internationale portée à la question de sobriété numérique.

Il est crucial pour nous de se tenir informés et d’être proactifs afin d’aider nos clients, nos associés et nos lecteurs à voguer avec nous vers les mers d’un avenir au marketing numérique plus durable. Si la devise de Click & Mortar a toujours été « une ascension collective vers le futur », il est aujourd’hui certain que cette ascension passe par un univers numérique écologiquement viable. Notre but demeure de vous aider à conquérir le futur. Reste que la première étape pour conquérir le futur, c’est de s’assurer qu’il y en ait un.

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Jusqu’à récemment, le numérique avait une réputation écologique immaculée. Souvenez-vous : recevoir son relevé bancaire par voie électronique était un geste vert, choisir le courriel plutôt que le courrier un acte de noblesse, et lire sur une tablette plutôt qu’un livre d’arbres morts nous mettait directement en lice pour le prix Nobel de l’environnement. Nous étions bien naïfs, et mal informés.

Aujourd’hui, on nous supplie de supprimer ces milliers d’emails inutiles qui constipent notre boîte courriel, et, paraît-il, détruisent la planète. Que s’est-il donc passé?

Le climat change, on le sait trop bien. On sait aussi qu’en réponse à cette angoissante réalité, des changements sont imposés à plusieurs industries, surtout celles reconnues comme directement responsables du réchauffement : les industries, en gros, dont les vapeurs d’échappement n’échappent à personne. L’agriculture, le transport. Mais il y en a d’autres, et tristement la nôtre en est une. L’industrie du numérique est responsable de 4% de la consommation mondiale d’électricité et de 3,7% des émissions totales de carbone, soit quatre fois les émissions de CO2 de la France. L’apprendre fait peur. Se pourrait-il qu’une épée de Damoclès pende au-dessus de nos têtes occupées à « brainstormer » la prochaine grosse campagne numérique?

Ce n’est malheureusement qu’un début. D’ici 2030, le numérique sera responsable de 20% de la consommation d’énergie mondiale, dépassant l’industrie agricole (15%) et rattrapant l’industrie des transports, qui est depuis longtemps perçue comme la bête noire de la pollution terrestre.

En d’autres mots, si l’ultime péché environnemental est aujourd’hui d’appuyer sur la pédale de gaz, très bientôt ce pourrait être d’appuyer sur le bouton play d’une vidéo TikTok.

 

Les dessous du numérique

 

Nous avons pris conscience, récemment, que le blanc nuage du numérique dématérialisé cachait un ciel orageux. Derrière l’écran lisse et brillant d’un appareil mobile existe une pénible chaîne de production.

Construire un téléphone mobile ou un ordinateur portable est une entreprise minière colossale : en moyenne, 70 matériaux différents sont nécessaires pour assembler un smartphone, dont 50 métaux rares.

Certains d’entre eux, comme l’europium (rare, et de provenances géopolitiques instables), servent uniquement à donner à son écran cet aspect brillant qui attire l’œil.

Et ce n’est qu’un début. L’écran luisant du smartphone, pour être vraiment « smart », a besoin d’Internet. On oublie souvent que celui-ci ne tombe pas du ciel.

Au contraire, Internet est un réseau d’une rare voracité énergétique, consommant à lui seul 10% de l’électricité mondiale.

D’ici une décennie, ce chiffre aura doublé.

Et puis il y a l’information en tant que telle, et son problématique entreposage. Les 3 trillions d’octets de données produites chaque jour sur le réseau numérique mondial ont une adresse de briques et de mortier, souvent un immense hangar industriel. Certains d’entre eux consomment autant d’énergie qu’une petite ville, et ont pignon sur rue dans plus de la moitié des pays du monde. Ces vieux courriels qu’on nous exhorte de supprimer? C’est qu’ils prennent de la place inutilement dans ces gargantuesques « data centers » – qui d’ailleurs ont besoin d’être agressivement climatisés, et qui sont alimentés, pour la plupart, au charbon.

 

Le marketeur averti : faire sa part pour le numérique responsable

 

Mais quelle est la responsabilité dans tout ça d’une agence de marketing numérique? Comme toute entreprise, une agence est responsable d’émissions de gaz à effet de serre. Depuis les années 1990, le « Greenhouse Gas Protocol » divise ces émissions en trois grandes catégories. La première a trait aux émissions directes d’une compagnie. On comprendra que pour une agence de marketing numérique, cette mesure est souvent faible. La deuxième catégorie réfère aux émissions indirectes associées aux activités comme l’électricité, le chauffage, les systèmes de refroidissement. À moins que notre agence n’ait ses quartiers généraux dans une centrale nucléaire, cette mesure sera également faible.

La troisième catégorie concerne les activités en aval, dont l’entreprise n’est qu’indirectement responsable. L’agence de publicité moyenne fait ici piètre figure. Pourquoi? Parce que la publicité sert à faire mousser, justement, les activités en aval des compagnies qui l’emploient.

En gros, la publicité aide les autres à émettre des gaz à effet de serre plus qu’elle n’en émet elle-même. Par conséquent, la troisième catégorie est responsable d’en moyenne 90% de l’empreinte carbone d’une entreprise marketing. Son impact est donc complexe à mesurer – et, par le fait même, à modifier.

Deux types d’émissions existent en parallèle dans l’industrie de la publicité : les émissions publicitaires et les émissions annoncées. Les émissions publicitaires sont celles qui résultent des opérations des agences de marketing et de la création et de la diffusion d’annonces en tant que telle.

Les émissions annoncées, quant à elles, sont liées aux émissions de carbone résultant de l’augmentation des ventes générées par les annonces.

C’est ici que la bât blesse : au Québec seulement, durant l’année 2022, les émissions annoncées ont produit 6,2 millions de tonnes de CO2 – l’équivalent de 10 allers-retours en avion Montréal-Toronto pour chaque adulte québécois.

Mais comment changer les choses alors que ces conséquences semblent intimement liées au rôle même de la publicité?

S’il est impossible – pour le moment du moins – de réduire à zéro son empreinte carbone, il est relativement facile de la calculer. Beaucoup le font déjà. Par exemple, le concept de « coût par lead » (CPL), répandu en marketing, est aujourd’hui souvent étendu pour devenir le « coût environnemental par lead » (CEPL). Ce dernier réfère tout simplement à l’empreinte carbone d’un lead, mesurée en émissions de dioxyde de carbone.

Prenons l’exemple d’une compagnie qui investit 100,000$ pour générer 500 leads dans une année, ce qui représente un « coût par acquisition » de 200$. En revanche, ces campagnes ont généré 340 tonnes de CO2.

Ainsi, on peut calculer que le coût environnemental par lead est de 1,7 tonne de CO2 (500 leads divisés par 340 tonnes de CO2). Traditionnellement, une agence marketing travaillera à réduire son CPL dans une optique strictement orientée vers la performance : travailler sur son score de qualité afin de mieux se positionner lors d’enchères, mieux segmenter son groupe d’annonces et améliorer la localisation géographique des mots-clés, entre autres. Elle pourrait aussi optimiser sa page d’atterrissage en s’assurant que les mots-clés concordent avec ceux présents dans l’annonce.

Ce même mode de pensée devrait également être appliqué lorsqu’on parle du coût environnemental. Comme il le fait pour son coût par lead, tout marketeur devrait constamment viser à l’améliorer. Comment? La plateforme publicitaire, le type de format ou le serveur utilisés pour le site sont quelques exemples de composantes clés sur lesquelles les marketeurs ont un contrôle, et qui ont une incidence directe sur son coût environnemental par lead. En y portant une attention aussi pointue qu’aux critères strictement orientés vers la performance, il est possible pour une agence marketing de réduire de façon marquée son empreinte écologique.

 

Un faux dilemme

 

S’il fallait choisir entre performance et empreinte écologique, il est probable que plusieurs choisiraient le premier. Or, il a été démontré que ces deux éléments peuvent évoluer de manière synergique. Le graphique suivant, tiré des « Bonnes pratiques en durabilité », montre bien que réduire son empreinte écologique est un cercle vertueux qui inclut, en plus de l’environnement et du consommateur, un aspect « performance ».

L’entonnoir marketing réinventé

 

L’entonnoir de conversion est un principe vieux comme le marketing. Mais voilà qu’aujourd’hui, en plus du consommateur, il promet aussi de convertir le marketeur moyen en praticien plus responsable.

Voici les grandes lignes de l’entonnoir de conversion au marketing numérique responsable :

1 – Éducation

Acquérir de nouvelles connaissances sur l’impact environnemental de la pub numérique : articles universitaires, rapports gouvernementaux, conférences, webinaires.

2 – Mesurer son propre impact environnemental

Des outils existent en ligne pour mesurer, par exemple, l’impact de son site web, ou son impact carbone net, comme le site web de l’organisation Good Planet, fondée par Yann-Arthus Bertrand, qui permet de calculer son empreinte carbone. Il en existe plusieurs autres.

3 – Passer à l’action

Comprenant mieux les aspects nocifs de notre industrie, nous sommes équipés pour travailler sur les aspects ayant le plus d’impact. Évidemment, de nouvelles découvertes s’ajouteront aux connaissances actuelles. Notre amélioration n’est donc pas linéaire dans le temps, mais continuelle, circulaire.

Évidemment, la solution n’est pas d’arrêter le numérique. Même si c’était possible, on se priverait d’un outil marketing dorénavant incontournable, et fantastiquement puissant. Le but devrait plutôt être d’atteler son pouvoir extraordinaire à bon escient, afin de tracer les pratiques responsables de demain.

Il est important de comprendre, en revanche, que le numérique est une réalité matérielle hyperénergivore, et que son omniprésence coûte à l’environnement. Comme marketeurs numériques, il nous faut garder ces risques à l’esprit et tout faire en notre pouvoir pour les mitiger. Il n’y a aucun doute que le numérique fait partie du futur; mais son rôle, pour que ce futur soit viable, reste largement à imaginer. Alors que l’écologie mondiale est mise à mal, n’oublions pas que l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de notre industrie a le potentiel réel de devenir un burin à la pointe duquel nous parviendrons, tel des autoportraitistes visionnaires, à sculpter un avenir qui nous ressemble.

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Toutes les statistiques présentes dans cet article (ainsi que les graphiques qui en résultent) sont tirés d’un projet de recherche que C&M a réalisé en collaboration avec HEC Montréal, qui sera bientôt disponible sur notre site web. Restez également à l’affût des chaînes C&M pour plus de contenu portant sur le développement durable en marketing numérique, ainsi que sur notre comité de pratique RSE, qui bouillonne d’idées novatrices — qu’ils ont drôlement hâte de partager avec vous!

Il est impossible de clore cet article sans remercier les gens qui l’ont rendu possible. Ainsi, nous dédions de sincères remerciements à Mélina Béland, qui a travaillé conjointement avec HEC Montréal pour produire le projet de maîtrise dont cet article s’inspire; à Sylvain Amoros, dont le mentorat et la longue expérience dans le domaine ont été d’une aide incalculable; et finalement à David Desmarais et Geneviève V. Bérubé, véritables piliers du numérique responsable et du RSE chez Click & Mortar.

Vous aussi, la question du numérique responsable vous interpelle? Vous voulez savoir comment faire votre part? Contactez Click & Mortar aujourd’hui, ce sera un plaisir d’en discuter avec vous.

Jules Sabourin

Author Jules Sabourin

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