Quand les robots sauront écrire:
l’IA et la rédaction marketing
Depuis l’avènement des intelligences artificielles capables d’« écrire », plusieurs se sont levés pour sonner le glas du contenu rédigé par l’humain. Si un logiciel peut maintenant pondre un texte en une nanoseconde sur à peu près n’importe quel sujet sous le soleil (incluant le Soleil), à quoi peut bien servir un rédacteur?
Nous avons soupesé la question et en sommes venus à la réponse suivante : il sert à plusieurs choses. Et sensiblement aux mêmes qu’avant l’arrivée de l’IA.
Plutôt que de rendre la rédaction par l’humain obsolète, l’intelligence artificielle l’aura insufflée d’une mission renouvelée : produire du contenu authentique, vérifié, intéressant, stylé, doté d’une voix originale, captivant, performant… bref, exceller systématiquement là où les robots échouent la plupart du temps.
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Intelligence artificielle pour la rédaction de contenu : un outil, pas un miracle
Il était prévisible que l’intelligence artificielle générative serait adoptée en masse pour créer du contenu marketing numérique. Articles de blogues, pages Web, infolettres et livres électroniques confectionnés par des robots pullulent maintenant sur Internet.
Évidemment, tout ce contenu aura été produit en un clin d’œil, sauvant temps et ressources à ses créateurs. Le problème, c’est que dans ce domaine la quantité remplace souvent la qualité. Existe-t-il un véritable intérêt chez vos audiences pour du contenu médiocre? Chez les nôtres non plus.
Si l’IA possède de clairs avantages, elle est aussi hautement limitée. Bien que la plupart des logiciels de génération de texte comme ChatGPT et Jasper donnent des résultats plutôt convaincants, leurs faiblesses se trouvent dans les petits et moins petits détails :
1. Inexpérience
Du contenu de qualité requiert de son rédacteur qu’il ait une expérience concrète du sujet. En organisant l’information logiquement et en étayant ses explications d’exemples pertinents et en faisant des liens originaux entre les idées, entre autres, il arrive à captiver son lectorat.
Or les logiciels d’intelligence artificielle, étant des machines, n’ont d’expérience concrète dans exactement aucun domaine. À la place, ils opèrent en raclant les fonds du Web puis en réorganisant l’information selon les besoins du moment. Au final, sont-ils davantage que de sophistiquées machines à plagier?
2. Voix et ton
En tant que marque, il est primordial d’avoir une voix qui vous est propre. C’est là un élément différenciateur crucial, auquel vos consommateurs s’attendent en interagissant avec votre brand. Cela peut passer par le champ lexical employé, par les idées véhiculées, par les sujets choisis, par les choix grammaticaux, de syntaxe, et tutti quanti.
Le ton, quant à lui, est l’attitude générale qu’on adopte pour parler à un public en particulier. Ces éléments, aussi appelés touche éditoriale, sont particulièrement difficiles à émuler pour l’IA. Ne possédant aucune voix propre, les générateurs de texte peuvent, tant bien que mal, adopter une voix ou un ton prescrit — « soit drôle tout en demeurant professionnel », par exemple.
Mais souvent, les résultats seront mécaniques et peu convaincants, un peu comme un perroquet aveugle dans une cage de verre qui répéterait une vieille blague — alors qu’une rédactrice professionnelle saura en un tournemain nous arracher un sincère sourire tout en restant professionnelle.
En fin de compte, sacrifier cette touche éditoriale qui nous est singulière au profit de la rapidité d’exécution n’est peut-être pas un pari gagnant, puisqu’on y perd sa voix. Sans cette musique que notre audience reconnaît et aime, qu’est-ce qui nous différencie de nos concurrents à part un nom?
3. Cohérence de marque
Un aspect important de tout brand est la cohérence des messages qu’il véhicule. On entend par là une uniformité dans la voix et le ton employé à travers les communications de votre entreprise sur une longue période de temps. La façon répandue d’y arriver : un guide stylistique que suivent scrupuleusement vos rédacteurs.
À l’inverse, en surutilisant l’IA pour générer vos contenus marketing, il est facile de perdre sa cohérence puisqu’elle passe par les éléments énumérés ci-haut, très difficiles à recréer pour les intelligences artificielles.
Résultat : s’il persiste une cohérence de marque dans vos communications, elle sera plate, neutre, sans saveur et peu susceptible de captiver vos audiences (c’est-à-dire robotique, quelle surprise!).
4. Illusions de créativité
L’algorithme qui soutient les modèles de langage comme celui de ChatGPT est ancré dans l’opposé de la créativité : la prédictibilité.
En effet, les Large Language Models (LLMs) n’écrivent pas : ils assemblent des suites logiques de mots comme s’ils étaient des pièces de casse-tête. Entraînés pendant des années à prédire le mot suivant dans une phrase — un peu comme on assemble les pièces d’un casse-tête par couleurs —, ils bâtissent aujourd’hui des textes complexes en suivant ce principe de base.
Bien qu’ils donnent l’illusion de produire du contenu novateur et original, leur genèse les en empêche. À cause de cela, plusieurs sont d’avis que même si les intelligences artificielles se raffinaient à l’infini, leur absence de conscience du monde les empêchera toujours d’atteindre une authentique créativité. Autrement dit, le casse-tête terminé forme un coucher de soleil, un chiot, une montagne que l’IA ne verra, ne flattera et n’escaladera jamais.
5. Le gouffre environnemental
Comme souvent avec les révolutions technos, derrière le strass et les paillettes de l’intelligence artificielle se tapit un fléau écologique. Outre les ressources naturelles utilisées pour bâtir les infrastructures soutenant l’IA, c’est sa consommation quotidienne en eau potable qui effraie.
La quantité d’or bleu nécessaire au fonctionnement de cette technologie énergivore a de quoi refroidir même le plus ardent des technophiles. C’est justement pour refroidir les centres de données, qui surchauffent d’activité, qu’est utilisée toute cette eau : il a été mesuré qu’une simple conversation avec une plateforme comme ChatGPT en gaspillait l’équivalent d’une bouteille de 500 ml.
C’est sans compter les émissions de carbones découlant de l’alimentation en électricité de ces gigantesques centrales, qui ne peuvent qu’augmenter au même rythme qu’augmente la quantité d’utilisateurs de l’intelligence artificielle. Ajoutez à cela l’extraction des minéraux rares essentiels à la fabrication de circuits électroniques, et vous obtenez un cocktail qui rend ivres d’inquiétude bon nombre d’écologistes.
Bien qu’aucune panacée n’existe pour le moment, le mot d’ordre avec l’IA semble être le même qu’avec les autres activités polluantes : parcimonie.
Le perroquet et l’impression de compétence
Avez-vous déjà vu un perroquet répéter les mots qu’il vient d’apprendre? Avec quelle assurance il les profère! Avec quelle autorité il les fait siens! Pourtant le perroquet ne sait pas ce qu’il dit. La même chose est vraie de l’IA, ce perroquet dopé aux algorithmes. Et cette méconnaissance, bien qu’elle soit habilement camouflée à travers des technologies surpuissantes, demeure un talon d’Achille fondamental.
Sans compréhension de la langue — et il n’en aura jamais, puisque la langue est ancrée dans des mots désignant un monde que le robot ne goûtera jamais — sans compréhension de la langue, donc, les générateurs de texte sont condamnés à leur condition de perroquet. De plus en plus convaincant, mais perroquet quand même.
Le vrai du faux
Comme tout bon perroquet, les générateurs de texte répéteront tout ce qu’ils ont entendu – sans se soucier de discerner le vrai du faux. Parfois, ils prendront même la peine d’inventer le faux. Ce phénomène d’« hallucinations » survient plus souvent qu’on ne pourrait le croire, et devrait suffire à nous convaincre que toute information proférée par l’IA doit être contre-vérifiée. Sachant ceci, gagne-t-on autant de temps qu’on aurait pu le croire à l’utiliser?
L’ « intelligence artificielle-isation » du Web
Depuis longtemps, on constate la « Google-isation » d’Internet — cette uniformisation des sites web dans le but avoué de bien se classer sur Google.
De la même façon, on assiste aujourd’hui à une « IA-isation » du web, où sont produites automatiquement des mégatonnes de contenu soi-disant « optimisé » pour les moteurs de recherche — du contenu souvent générique créé uniquement pour attirer du trafic vers un site web. Or les moteurs de recherche résistent.
SEO, génération de texte et perte de performance
En réponse directe à la récente saturation de contenu généré par l’IA, les moteurs de recherche pénalisent les contenus dupliqués, de faible qualité ou simplement vides de sens—autrement dit, précisement ce que l’IA générative est susceptible de produire au premier jet.
Ces mesures s’inscrivent dans les efforts de Google pour proposer à ses utilisateurs une version d’Internet qui regorge de contenus originaux possédant une valeur ajoutée pour ses lecteurs. Tout contenu ne répondant pas à ces critères — le contenu « spammy » ou plagié ou sans valeur ajoutée ou bâclé ou autrement vide d’intérêt pour un public humain — est désormais relégué aux bas-fonds du classement par les algorithmes de Google.
Ironiquement, en utilisant l’IA pour gagner un peu de temps, on perd énormément en performance. Vous convaincrez peu de clients que c’est le bon chemin à prendre.
L’importance renouvelée de l’originalité
Tout cela nous mène directement à l’évidence : maintenant plus que jamais, il faut être original.
En tant que grand arbitre du web, Google édicte des règles qui, bien que souvent un peu nébuleuses, laisse entrevoir un avenir rapproché dans lequel le contenu de qualité et servant un objectif « humain » — enseigner, informer, renseigner, guider — sera systématiquement mieux référencé que celui produit « à la chaîne ».
Il aura peut-être fallu un déluge de contenu automatisé s’abattant sur le web pour que Google ne se décide à mettre le cap sur une itération d’Internet récompensant la qualité du contenu par-dessus tout le reste. Et si un tel chemin est adopté, tous ont à y gagner.
Cela remet entre nos mains de créateurs de contenus marketing une mission claire : être original, sortir des sentiers tracés, innover, et créer avec notre audience en tête, créer pour la captiver et lui faire vivre une expérience mémorable à travers des émotions dont nous seuls connaissons les leviers.
Au final, le contenu qu’on publie est une fenêtre par laquelle on espère être vus. Comme toute fenêtre, plusieurs outils aideront à sa pose. L’IA constitue l’un des outils à la disposition du créateur de contenu marketing, mais il est loin d’être le seul — un peu comme l’indispensable marteau du charpentier, insuffisant pour bâtir une maison.
En posant une fenêtre à grands coups de marteau, on sauvera énormément de temps. Mais ce sera du temps sauvé à poser une fenêtre fendue. Elle laissera peut-être passer un peu de lumière, mais aussi la pluie et le vent. Ultimement, peu de gens s’y arrêteront.